L’activité du SNO a permis dans un premier temps de mettre en place un suivi régulier des apports fluviaux à la Méditerranée en assurant l’accès à des données issues de protocoles de collectes et d’analyses homogènes ; la particularité étant la prise en compte spécifique des épisodes de crues. L’aspect réseau permet à la fois un partage (zone géographique) et une mutualisation (analyses des échantillons) des activités entre les 2 principaux laboratoires impliqués (CEFREM et MIO). La logistique mise en place sert également de support à d’autres structures tel que l’Observatoire des sédiments du Rhône (OSR) et l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée et Corse.
Les premières années de suivi haute fréquence ont particulièrement permis d’améliorer le suivi des crues et d’en préciser la typologie. Le grand nombre de données sur les matières en suspension (MES) en fonction des différentes conditions hydro-climatiques qui a pu être collecté depuis le lancement de MOOSE a considérablement fait progresser les connaissances sur le transport solide dans les deux fleuves. Ainsi, une nouvelle génération de courbes de tarage (SIRCA : simplified rating curve approach) a pu être développée et validée (Sadaoui et al., 2016). Elle a été appliquée avec succès aux autres fleuves côtiers et aux principaux affluents du Rhône. Cette modélisation permet non-seulement une reconstitution détaillée depuis les années 1970 des apports solides au Golfe du Lion qui souligne le rôle dominant du Rhône et la forte variabilité des apports en fonction du type de crues dans son bassin versant. Elle est également devenu un outil performant pour estimer les apports pour des périodes sans ou avec un nombre trop faible de mesures. Pour l’instant, ce type de modélisation n’a pas encore été appliquée aux fleuves à l’est du Rhône, ce qui devrait être fait dans les années à venir.
Le couplage de la qualité des matières en suspension avec la quantité des transports a aussi largement amélioré les connaissances sur le transfert des contaminants particulaires au Golfe de Lion, en particulier dans le domaine des éléments traces métalliques (ETM). Pour le Rhône et la Têt, les estimations sur les apports de ETM ont été affinées et, pour la première fois, être séparées en ce qui représente les apports naturels et ce qui représente les apports anthropiques (Dumas et al., 2015). Dans la mesure que les ETM peuvent avoir des origines naturelles, cette séparation est cruciale si l’on veut utiliser ces éléments comme indicateurs des pressions anthropiques dans les bassins versants. Finalement aussi les estimations sur le transfert d’autres contaminants particulaires ont pu être améliorés grâce la quantification détaillée des flux de MES. Un bon exemple est le cas des micro-plastiques (MP). Pour la première fois, la dilution des MP dans les MES pendant une crue a pu être observée dans le Rhône et la combinaison de ces observations avec le flux de MES à long-terme de MOOSE a permis de revoir à la hausse des apports de MP à la Méditerranée par ce fleuve (Constant et al., soumis).
Comparaison des flux spécifiques en ETM entre le Rhône et la Têt, séparés en leurs origines anthropiques et naturelles (Dumas et al., 2015).
Le suivi des éléments nutritifs dissous dans les deux fleuves confirme les tendances générales qui ont déjà été détectées pour les autres fleuves de la Méditerranée (Ludwig et al., 2009) : après une hausse des teneurs en azote et phosphore dans les années 1970 et 1980 (1990 pour le N), les teneurs de phosphore (surtout phosphates) ont commencé une diminution rapide et les teneurs d’azote (surtout nitrates) se sont stabilisées. Surtout la diminution de P est toujours très marquée au cours des années récentes et cette diminution pourrait avoir des impacts sur le fonctionnement biogéochimique de la zone côtière en Méditerranée (Cozzi et al., 2018). Une comparaison des flux spécifiques des deux fleuves Rhône et Têt traduit fidèlement les spécificités de leurs bassins versants. Les valeurs pour la Têt sont plus importantes à cause d’une densité de population plus importante et d’une forte contribution de P en provenance de la station d’épuration de Perpignan (même si après la modernisation de cette station en 2008 la contribution a baissée). Pour le bassin du Rhône et son exploitation agricole plus intensive, ce sont les flux spécifiques d’azote qui dépassent les flux de la Têt. L’exploitation des relations concentrations – débits dans les deux fleuves, actuellement en cours dans le cadre de l’année sabbatique de Vadim Bostan au CEFREM, permet de mieux connaître l’origine des différents nutriments dans les deux fleuves et de projeter les évolutions futures en fonction des forçages comme le réchauffement climatique. Déjà, des phénomènes d’hystérésis ont pu être mis en évidence à la fois sur les teneurs en matière en suspension mais également sur les teneurs en éléments dissous tels que le nitrate et le phosphate, phénomènes jamais observés jusqu’à présent.
Comparaison des flux spécifiques en éléments nutritifs entre la Têt et le Rhône pour l’année 2011-2012 (analyses à haute résolution temporelle dans MOOSE). Pour la Têt, les valeurs pour l’année 2000 – 2001 ont été rajoutées, année comparable en termes des conditions hydro-climatiques (Garcia et al., 2007).